C’est un calme inhabituel qui règne dans la station d’Auber d’habitude si animée. L’une des plus grande gares du RER du réseau est étrangement vide. Sous l’immense voute en béton de la gare, tous les commerces ont leurs rideaux baissés. De en temps quelques voyageurs passent ici et là. Des « gilets verts » de la RATP viennent à la rencontre des égarés pour les renseigner. On pourrait se croire un dimanche matin très tôt mais non, nous sommes, lundi matin, 9h30 en pleine heure de pointe.
Depuis samedi dernier la RATP a lancé la troisième étape de son vaste chantier de renouvèlement des voies et du ballast (RVB) sur le tronçon central du RER A, la ligne la plus fréquentée d’Europe. Après 2015 et 2016 la régie des transports autonomes de Paris poursuit cet été du 29 juillet au 27 août ce chantier hors-normes entre La Défense et Nation. L’objectif : remplacer d’ici 2021 vingt-quatre kilomètres de voies, vingt-sept aiguillages ainsi que leur ballast sur cette portion vieillie de plus de quarante ans entre Nanterre-Préfecture et Vincennes.
« L’enjeu c’est d’avoir une ligne performante totalement rénovée pour les quarante années à venir » explique Philippe Martin, le directeur général adjoint en charge des transports et de la maintenance à la RATP. Un choix de fermeture totale séquencée sur quatre étés qu’il justifie afin d’éviter de mener des travaux de nuit qui auraient dû s’étaler sur plusieurs années et impacter la fréquence des trains de la ligne au 1,2 million de voyageurs et 665 trains quotidiens.
3,7 kilomètres de voies, quatre aiguillages et 45 000 m3 de ballast à remplacer
Si pour ce troisième round l’interruption du trafic s’étend de La Défense à Nation, les travaux, eux se concentrent principalement entre La Défense et Châtelet-les-Halles. Durant ce mois de travaux la RATP ambitionne de mettre à neuf 3,7 kilomètres de voies, quatre aiguillages et aussi changer quelques 45 000 m3 de ballast (le lit de pierre sous les rails qui représente une épaisseur moyenne de 80 centimètres) soit l’équivalant de « quatre piscines olympiques ». Des tapis antivibratoires sont également disposés par plusieurs endroits dans le tunnel afin de limiter la propagation des vibrations aux immeubles en surface. Divers équipements de contrôle de vitesse des trains sont en outre vérifiés ou remis à neuf.
« C’est un chantier majeur pour la RATP. Quatre semaines c’est long pour les voyageurs mais c’est court pour mener nos travaux, confie Vincent Le Bihan, le chef de projet du RVB à la RATP. En plus des travaux du RVB on en profite pour réaliser des travaux de rénovation des gares du tronçon central. Après les quais de gare de Lyon et Châtelet en 2016, cette année on fait ceux d’Auber ».
A quelques mètres de la station d’Auber justement, plusieurs ouvriers habillés de gilets orange et coiffés de casques s’activent pour dégager les dizaines de milliers de petits cailloux. Pour les aider dans cette tâche dantesque, une pelleteuse montée sur les rails multiplie les va et vient pour déposer le ballast dans l’un des sept trains-travaux longs de 200 à 400 mètres affectés au chantier. « Bout à bout ils font 1,8 kilomètre de long » précise Yan Guillaume, l’adjoint au chef du projet RVB. En plus de la poussière, l’eau remontant d’une nappe phréatique et stagnant dans le lit du tunnel complique un peu la tâche des ouvriers qui vont devoir poser d’ici quelques jours l’un des quatre nouveaux aiguillages.
400 ouvriers mobilisés en permanence
« Techniquement ce n’est pas un chantier compliqué mais c’est un chantier à enjeu logistique car on a une grande quantité de matériaux à acheminer chaque jour » commente Vincent Le Bihan en chiffrant les 720 traverses en béton (en bois pour les anciennes) et 1 500 tonnes de ballaste à transbahuter (et autant à évacuer) quotidiennement. Matériaux qui transitent de l’une des trois bases logistiques situées le long la ligne A (Nanterre, Sucy en Brie et Carrière Les Villenoy). Parfaitement orchestré le chantier avance ainsi à un rythme de 200 mètres de nouvelles voies remplacées par jour en moyenne.
Comme pour les deux précédentes années les travaux sont menés par environs 400 techniciens et ouvriers se relayant sept jour sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ils sont pour la plupart employés par Colas Rail (pour la voie ferrée) et Alstom (pour les équipements de contrôle de vitesse), les deux grandes entreprises titulaires du marché du RVB.
Les vieilles voies seront réutilisées ou recyclées
Quant aux vieux matériaux leur avenir ne passera pas par la décharge. « Les vieux rails quand ils sont encore exploitables vont sur des portions secondaires du réseau et quand ils ont une usure trop prononcée ils sont refondus et réutilisés dans d’autres produits sidérurgiques » souligne Yan Guillaume. Le ballaste est lui lavé, puis recriblé (trié selon son état). Si son état est jugé satisfaisant il va être réutilisé sur des voies secondaires. Les cailloux non-réutilisables (qui représentent tout de même 75 % du volume total) seront revendus pour être réutilisés comme remblais. Enfin le bois des traverses est quant à lui cédé afin de s’offrir un second avenir pour des usages de bordurages paysagers.
Le chantier du renouvellement des voies du RER A qui représente un investissement de 100 millions d’euros se poursuivra l’année prochaine avec une dernière interruption d’un mois entre La Défense et Nation. En 2019 et 2020 les travaux se dérouleront sur des « nuits longues » et des week-ends entre Auber et Vincennes puis en 2021 entre Nanterre-Préfecture et Charles de Gaulle Etoile. Les usagers n’en n’ont donc pas encore fini avec les travaux du RVB….