Sa fermeture avait causé un énorme scandale à La Défense. Dix ans plus tard, la galerie marchande de la Coupole est presque complètement tombée dans l’oubli. Ouverte au début des années 70, la galerie vient s’insérer par-dessus trois niveaux de parking, au pied de la nouvelle tour Fiat (devenue Framatome, puis Areva) et de la future tour Elf (aujourd’hui Total) ainsi que de l’immeuble Sgam.
Bien plus petit que son grand frère des 4 Temps (ouvert en 1981), le centre de la Coupole développe 15 000 mètres de surface commerciale et dispose d’une petite trentaine d’enseignes ainsi que d’une grande salle de sport Club Med Gym (CMG) à l’étage inférieur. A l’intérieur du petit mall on retrouve de tout : une épicerie, des bars & restaurants, un coiffeur, une agence bancaire Société Générale, un bureau de tabac, une pharmacie, des boutiques de prêt-à-porter et de chaussures ou encore une agence de voyages. La galerie permet également un accès direct vers le parking Coupole-Regnault, les tours Areva, Total et Sgam et surtout la gare RER de La Défense.
Plutôt discrète, la galerie de la Coupole est pourtant bien fréquentée avec en moyenne 20 000 passages par jour, essentiellement des salariés des tours environnantes comme Total, Areva, Exaltis ou IBM (aujourd’hui tour Eqho).
À l’époque de sa création, l’Epad, l’établissement d’aménagement du quartier d’affaires vend les cellules commerciales mais conserve les espaces de circulation et les locaux techniques. Une énorme erreur de stratégie dont l’établissement public (devenu aujourd’hui Paris La Défense) va payer le prix fort quatre décennies plus tard.
Jamais réellement entretenue et marquée de son jus, à la fin des années 2000 la galerie est devenue vétuste. Ce n’est pas la décoration dépassée qui va entraîner la disparition du centre, mais la présence d’amiante. À cela s’ajoute l’obsolescence du réseau sprinkler et du réseau de détection incendie (DI). Ce dernier d’ancienne génération n’est plus garanti en pièces de rechange et n’est donc pas à l’abri d’une panne majeure, indique à l’époque l’Epad. La présence d’amiante notamment dans les faux plafonds rend impossible le remplacement du réseau de sprinkler et des DI tout en maintenant l’activité de la galerie. Des arguments cependant toujours rejetés par certains commerçants comme Michel Meunier, l’ancien coiffeur.
La vétusté du centre est confirmée le 12 octobre 2007, par une commission de sécurité qui émet un avis défavorable pour la poursuite de l’activité. Plusieurs mois passent, et tout va s’accélérer à l’été 2010. À cette période, l’Epad décide de fermer la galerie pour le 30 juin. Sauf que les commerçants ne l’entendent pas ainsi. De là va éclater un grave conflit entre l’aménageur et les commerçants qui pour certains sont propriétaires de leur coque.
Une galerie qui a fermé entre l’été et l’hiver 2010
Pour l’accompagner dans le rachat des fonds de commerce et des cellules, l’Epad fait appel à société Pélican. Dès l’été 2010 une partie des commerçants (localisées dans la partie nord de la galerie) acceptent les offres et décident de plier bagage. Mais l’autre, la majorité rentre en résistance et dénonce des conditions « inacceptables ». Pour eux pas question de baisser leurs rideaux et l’activité se poursuit tout l’été. Sauf que parallèlement, l’Epad est bien décidé à fermer la galerie au cours de l’été. D’autant que l’aménageur veut, une fois la galerie entièrement rachetée la céder à l’investisseur Financière Immobilière Bordelaise (FIB) pour la transformer en un centre bien plus attractif.
La galerie ne doit pas totalement fermer puisque des couloirs doivent être créés afin de desservir les accès aux parcs de stationnement « Coupole-Regnault » mais aussi au Club Med Gym. Sans même attendre que les commerçants aient réglé leurs négociations financières, l’établissement public fait appel dès cet été-là à une société de BTP pour construire les passages. Sous leurs yeux et leurs pas de portes, les commerçants voient s’ériger des murs en Placoplatre. L’un d’entre eux se retrouvera même un jour emmuré dans sa propre boutique. La situation devient extrêmement tendue entre les commerçants, l’aménageur et l’entreprise de BTP. Bagarres, grève de la faim, pétition, manifestations, apéro de soutien,… l’été est très mouvementé.
Finalement la situation se calme à l’automne après l’intervention du préfet Patrick Strzoda. Les tout derniers commerçants acceptent de fermer leurs boutiques et restaurants fin 2010, six mois après le début du conflit. Tout un symbole, la ville de Courbevoie prend un arrêté la veille de Noël, le 24 décembre 2010 pour fermer définitivement le centre, à l’exception du Club Med Gym (CMG) qui bénéficie d’un accès autonome via les fameux couloirs. Si le centre est désormais fermé, rien n’est encore réglé. Il faudra des années pour que les derniers accords d’indemnisation soient finalement conclus avec Paris La Défense.
Un nouveau projet à 250 millions d’euros
Parallèlement Michel Ohayon, le patron de la Financière Immobilière Bordelaise (FIB) peaufine son projet de métamorphose du centre. Il faudra attendre mai 2013 pour qu’il en dévoile discrètement les esquisses lors d’une réunion publique. Le projet baptisé « La Rue La Défense » imaginé par l’agence B&B Architectes se veut très ambitieux. La galerie doit désormais s’ouvrir et sera composée d’une grosse soixantaine d’enseignes. La dalle en béton qui la recouvre va être percée afin de créer une « rue commerçante ». Quelques bâtiments abritant entre autres un cinéma sont prévus au pied de la tour Areva. Commerces et restaurants haut de gamme doivent composer ce lieu. Le permis de construire est déposé au printemps de 2017 et obtenu en septembre de la même année. Ce dernier est cependant attaqué par les voisins du projet. Mais Michel Ohayon assure que les recours ont finalement été rejetés il y a quelques mois par les juges qui demandent toutefois à la FIB d’inclure dans le projet des places de parkings supplémentaires.
« C’est une opération qui est complètement dans l’air du temps. Les clients n’ont plus envie de s’enfermer dans des centres. La clientèle attend de nouvelles choses », explique Michel Ohayon estimant que son centre sera complémentaire du mastodonte Westfield Les 4 Temps et du Cnit, tous deux propriétés d’Unibail-Rodamco-Westfield. Pour se différencier, l’homme d’affaires entend miser sur le luxe avec des enseignes comme Gucci ou Vuitton. Le cinéma qu’il veut créer sera avec sa douzaine de salles aussi tourné sur le confort. Contrairement à l’UGC de La Défense, son multiplexe serait composé de petites salles équipées de vingt à trente sièges très haut de gamme.
Mais après tout ce temps Paris La Défense ne semble plus convaincu par le projet porté par la FIB et décide visiblement d’en lancer un nouveau. Ironiquement sortie de l’opération par Paris la Défense, la FIB est à son tour bien décidée à rester en place en menant à terme son projet chiffré à 250 millions d’euros. Interrogée quelques mois avant son départ, Marie-Célie Guillaume, l’ex-directrice de Paris La Défense confiait que le projet de l’homme d’affaires était désormais abandonné et que les accords avec l’établissement public étaient caducs. Faux, lui répond Michel Ohayon. « L’accord est toujours valable avec Paris La Défense. La précédente direction a toujours cherché à dire que [notre] accord était caduc mais ce n’est pas ce que disent nos avocats », affirme Michel Ohayon. Pour lui, rejeter ce projet serait un « contresens » et pourrait avoir un impact financier lourd pour l’établissement qui serait contraint de lui verser quelque 600 millions d’euros de dommages et intérêts. « On espère ne pas rentrer en conflit avec Paris La Défense », rajoute t-il. Contacté Paris La Défense n’a pas souhaité s’exprimer de nouveau sur cette affaire.
Et Michel Ohayon se dit plus que jamais prêt à lancer son projet et espère régler ses soucis avec la nouvelle direction de l’établissement public. « Le projet est toujours sur les rails », poursuit-il. S’il parvient à trouver un nouvel accord avec Paris La Défense, le chantier d’une durée de vingt à trente mois pourrait alors démarrer rapidement. L’ex-centre commercial de la Coupole reprendrait enfin une nouvelle vie, dix ans après sa mort.