C’est un bien triste anniversaire pour l’un des temples du shopping français. Inauguré le 2 mars 1981, le centre commercial Les 4 Temps, rebaptisé Westfield Les 4 Temps en septembre 2019 fête ses quarante ans ce mercredi. Retour sur l’histoire de ce mall, un pionnier du genre en France.
La question d’un équipement commercial dans l’agglomération parisienne et de sa maîtrise par les acteurs publics n’émerge que relativement tard, seulement autour de 1965, à la suite d’innovations dues à des acteurs privés, comme l’invention de l’hypermarché par Carrefour à Sainte-Geneviève-des-Bois et l’importation du shopping mail étasunien par Robert de Balkany et Jean-Louis Solal à Parly 2. C’est donc pour cette simple raison, en un temps où le petit commerce de proximité est encore roi en France, que le plan de masse de 1964 de La Défense ne propose encore aucun centre commercial. Le thème n’apparaitra que l’année suivante.
Pour répondre aux sollicitations du Printemps et des Galeries Lafayette, ainsi que de leurs filiales Monoprix et Uniprix, l’EPAD, l’établissement chargé d’aménager le jeune quartier d’affaires lance en 1965 des études pour une éventuelle implantation commerciale. L’emplacement envisagé, dès cette époque, est à proximité du rond-point, mais il est alors en concurrence avec un centre culturel. La même année, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne (IAURP) publie, à côté du premier Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne (SDAURP), une première étude proposant une planification régionale de l’équipement commercial. La Défense est choisie pour l’implantation d’un Centre Commercial Régional (CCR), au même titre que ceux des villes nouvelles qui viennent d’être décidés. Les résultats d’une première étude sont présentés en 1967, sans que le sujet apparaisse pour autant comme une priorité de l’aménageur, alors dirigé par André Prothin.
Saisi par André Prothin en janvier 1969, Paul Delouvrier, alors préfet de la région parisienne, est chargé de lancer les études de la grande tour PB1, qui doit être implantée en face du CNIT. Delouvrier répond en janvier 1969 en insistant sur la nécessité d’y adjoindre un programme de centre commercial.
Mais c’est Jean Millier, le nouveau président-directeur général de l’EPAD qui lance l’étude du secteur au début de son mandat après avoir été le bras droit de Delouvrier à l’IAURP. En confiant la programmation en juin 1969, non pas à un maître d’œuvre français concepteur de bâtiments publics, mais à un architecte américain expert en centres commerciaux, Victor Gruen, il change complètement l’orientation de celle-ci. Lorsqu’il est appelé à La Défense, Gruen, en plus d’être un spécialiste des centres commerciaux aux États-Unis, n’est pas un inconnu en France. Dès la fin 1967, Jean Millier, alors secrétaire général de l’IAURP, lui avait confié une mission de consultant à propos des centres commerciaux mais aussi, plus généralement, des centres urbains des villes nouvelles. Gruen sera ainsi le premier à proposer un centre à Evry. Sa mission est ambigüe, car il pense qu’on lui propose une vraie mission d’urbanistique alors qu’il est employé surtout comme expert des centres commerciaux.
Lorsque le contrat pour l’étude d’un centre commercial régional associé à la tour PB1 est signé entre l’EPAD, Victor Gruen et d’autres consultants dont Larry Smith, la place n’est pas encore au doute. Le rôle de cette étude est de constituer en un temps court un dossier de consultation pour choisir les promoteurs de la tour PB1 et du centre commercial. A la fin novembre le nouveau plan de masse est proposé. Si la réflexion autour du centre commercial est très aboutie la partie tertiaire reste très floue. Déçu par le travail de Gruen, Jean Miller et le promoteur de la tour PB5, la SEFRI de Jean-Claude demande en décembre 1969 à un autre architecte américain, Ieoh Ming Pei, de proposer un nouveau plan de masse pour ce qui sera le projet « Tête Défense ». Son associé Araldo Cossutta, architecte d’origine Croate, et Pei ont des expériences solides en immobilier d’entreprise mais faibles pour les centres commerciaux. Jean Millier décide alors de rappeler Gruen en l’associant à la nouvelle étude avec une mission de consultant ainsi que son ami Guy Lagneau pour suivre localement le travail. Mais tout ne se passe pas très bien. Régulièrement en désaccord avec Pei et Cossutta mais également avec Jean Miller, Gruen jette l’éponge.
Le duo présente en novembre 1971 un plan de masse qui s’éloigne grandement de celui qu’imaginait Gruen. Le centre commercial n’est pas un bâtiment dissocié mais devient un socle pour deux tours. Le projet est fortement contesté car les doubles tours sont accusées d’altérer la perspective depuis la capitale. Lagneau et son associé Jean Dimitrijevic participent avec d’autres architectes conseils de l’EPAD à un contre-projet. Mais c’est la proposition d’Emile Aillaud, sollicité par Jean Miller qui l’emporte. Le projet est approuvé officiellement par le ministre de l’équipement en juillet 1973. La proposition revient sur le projet d’origine : un centre commercial planifié comme une boite fermée.
Avant même que le plan de masse Tête Défense ne soit fixé, l’aménageur avait défini la forme que devait prendre la maîtrise d’ouvrage du centre commercial. Lors de la mise au point du premier plan de masse de Gruen, un promoteur français de centres commerciaux, Cenco, aidé d’un bureau d’études spécialisé, la Serete, avaient été chargés des études foncières.
2787_14498_les_quatre_tempsMais en juin 1970, du fait de la grande imbrication entre le centre commercial et les infrastructures du quartier, l’État décide de prendre en charge la promotion du centre. L’opération étant commerciale et de grande dimension, l’EPAD ne peut faire appel comme habituellement à la Caisse des dépôts et Consignations pour le préfinancement et se tourne alors vers le Crédit Lyonnais, qui a été nationalisé en 1945 et est dirigé depuis 1967 par François Bloch-Lainé. Pour la constitution du groupe d’investisseurs dans les commerces, l’État s’adresse à une petite société considérée comme très dynamique, la Société privée de gestion financière de Jean-Luc Gendry.
Jean Millier confie dès 1972 les études préalables du centre commercial à l’agence de Guy Lagneau et celle de Jean Dimitrijevic et à l’atelier d’études architecturales (Atea) qui pour ce dernier vient de signer le petit centre commercial Buref qui compte commerces et bureaux autour d’un patio, dans le quartier des Corolles.
En juin 1972, la Société civile immobilière SCI du Centre Commercial de La Défense est constituée. Les parts sont réparties comme suit : l’EPAD à hauteur de 25 %, le Crédit Lyonnais à 20 %. Une filiale de ce dernier, la Société Rhodanienne mobilière et immobilière pour la France et l’étranger, obtient les parts restantes soit environ 55 % en attendant l’arrivée de nouveaux investisseurs.
Au mois de septembre 1975, le financement est ficelé, la Caisse des Dépôts et des Consignations rejoint le projet à 7,5 %, le Crédit Foncier de France à 5 %. Les 1 % restants sont investis par la SERETE Aménagement qui a été choisie par la SCI pour être le promoteur-constructeur du centre. La SERETE Aménagement signe en septembre 1974 avec la Samaritaine et le Printemps des implantations ce qui marque une avancée significative pour le centre.
Un voyage d’étude est organisé au États-Unis en 1973 où des centres commerciaux sont visités dont le Galleria, conçu par l’agence HOK pour le promoteur George D.Hines à Houston au Texas. Deux autres acteurs importants du secteur de l’architecture commerciale sont choisis comme conseillers, le promoteur Ernest W. Hahn et l’architecte Charles M. Kober, alors qu’Atea continue de travailler avec les consultants américains employés depuis l’époque de Gruen.
L’agence s’entoure alors d’une équipe française : les architectes d’intérieur Jean-Louis Guinochet et Anne Hamon, assistés du cabinet Trouvin et enfin le graphiste-coloriste, Jean-Philippe Lenclos.
C’est en 1974 que le projet est réellement défini, et il est ambitieux : Être le plus grand centre commercial en Europe avec 125 000 mètres carrés et proposer tout un tas de loisirs sous un même toit. Le projet enjambe la ligne du Transilien, comme le proposait la version de Gruen. Le centre dispose de quatre niveaux de parkings répartis en deux parc le Pa et le Pb, reliés entre eux et il est directement rattaché à la nouvelle gare RER de La Défense. L’EPAD profitera d’ailleurs des travaux du centre commercial des Quatre Temps pour créer une grande « boite » en béton sous les quatre niveaux de parkings. Cette grande réserve est destinée à accueillir la station de métro de la ligne 1 que l’aménageur attend. Sur les quatre niveaux de parkings prend ainsi place le centre commercial.
La Samaritaine et le Printemps, les deux grands magasins, ambitionnent de s’installer dans la moitié ouest du centre autour d’un vaste espace intérieur, nommé la Grand’place. A l’est c’est le pôle loisirs qui prend place avec une discothèque le « Midnight Club » et chose très novatrice une patinoire ou plutôt : une piste de patins à roulettes, inspirée de la piste de patins à glace du Galleria de Houston. Ces deux zones sont réunies par un grand « mail » : « la rue des Arcades » également inspirée du centre Galleria.
On doit aussi y retrouver un cinéma climatisé comprenant neuf salles allant de 80 fauteuils pour la plus petite à 451 pour la plus grande. La décoration d’époque est signée par Bernard Ceyssac. La gestion du lieu est, elle confiée à la famille Edeline.
A son extérieur, sur le Parvis, le centre commercial apparait comme une grande boite verte. Entre le Parvis et la Place de La Défense un bâtiment carré avec une façade constituée d’un treillis en béton est imaginé. Il abritera un restaurant, au premier étage, une cafétéria au deuxième étage et la direction du centre au dernier étage.
Un soin particulier sera donné aux couleurs dans le centre par Jean-Philippe Lenclos qui utilise une dominante de vert à l’extérieur et dans les arcades et du rouge pour le pôle loisirs. Les trois puits d’accès vers les parkings et les transports en commun sont également très soignés. Le logo symbolise lui les arcades du centre, désormais nommé « Les Quatre Temps ».
Le chantier colossal débute en 1976. Onze grues à tour sont nécessaires ainsi que cinq grues automotrices et ce sont près d’un millier d’ouvriers qui sont mobilisés pour couler 120 000 mètres cubes de béton ou placer 12 000 tonnes d’armatures métalliques.
Mais quelques temps après le début des travaux les développeurs du projet font face à des premiers tracas. Si aux USA les grands magasins fonctionnent bien, les enseignes françaises sont plus fragiles. Elles réagissent assez mal à la l’annonce de la SCI en 1977 de l’ouverture du centre commercial en 1979 alors que l’achèvement de la Tête Défense n’est plus envisageable à cette date. La Samaritaine reste mais le Printemps jette l’éponge. Alors que les travaux étaient bien entamés, les responsables durent trouver un nouveau locataire pour le plus grand local commercial du centre. C’est finalement la chaine d’hypermarchés Auchan qui prend l’emplacement, mais la conception n’est pas adaptée. Il fallut donc percer les dalles de béton fraichement coulées pour faire passer les nombreux travelators servant à faire passer les caddies d’un niveau à l’autre de l’hyper, mais aussi aux quatre niveaux de parkings sans oublier le niveau intermédiaire.
Le projet encaisse un nouveau revers avec le souhait de désengagement de l’EPAD du projet à travers la SCI. La SERETE-Aménagement accepte de reprendre une partie des parts de l’aménageur, elle récupère ainsi la cogérance de la SCI avec le Crédit Lyonnais.
A l’origine un grand hôtel 4 étoiles devait être construit, conçu par l’Atea pour héberger Hyatt Internationnal. Mais les difficultés financières auront raison de ce projet dont les fondations en « Y » et les premiers murs avaient été construits. C’est finalement la tour PB5 qui prendra la place.
Le centre commercial est enfin inauguré officiellement le 2 mars 1981 par les architectes et par Raymond Barre, le premier ministre de l’époque qui en profite pour se rendre juste avant au siège de l’EPAD basé à la tour Fiat. La presse de l’époque est émerveillée par les lieux. Le Figaro y voit là une « concentration de genres différents » tandis Le Monde détaille ce nouveau mall français.
Les clients doivent eux, attendre le lendemain pour découvrir ce centre futuriste qui ouvre le 3 mars. Ils y découvrent un centre à la hauteur des attentes offrant des prestations jamais proposées en France avec un complexe de neuf salles de cinéma climatisées, une discothèque le Midnight Express, une piste de patin à roulettes, une ludothèque avec atelier pour les enfants, un jazz club d’une capacité de 300 places, une école de danse de l’artiste Carolyn Carlson, de nombreux restaurants et une offre de commerces riches et variés comme un hypermarché Auchan, un Darty, un Go Sport, un Sephora, un C&A, une Samaritaine.
Le cinéma qui deviendra un UGC dans le courant des années 90 projette à son ouverture plusieurs films dont « Le roi des cons », « Une sale affaire », « Viens chez moi, j’habite chez une copine », « Le dernier métro », Racing Bull » ou encore « Le Chinois ». Sa fréquentation reste stable tout au long de sa vie avec 599 623 spectateurs en 1982, 612 522 en 1985 et 639 926 personnes en 2005, la dernière année pleine (chiffres ComScore/Ciné-Chiffres).
Les Quatre Temps c’est des commerces, des restaurants, des loisirs et aussi de la culture avec de nombreuses œuvres d’art. Une volonté d’Henri Fremiot, le gérant de la SCI du centre mais aussi de l’architecte Jean Dimitrijevic. Le sculpteur Raymond Moretti bien connu à La Défense avec son Monstre signe le pendule. Une sculpture mesurant six mètres de haut. Béatrice Casadesus installe une fresque de 450 mètres carrés dans une coursive lumineuse au niveau de la sortie des salles du cinéma. Claude Lhoste déploie « L’envol », un oiseau en bronze patiné qui domine la patinoire tandis que Claude Torricini présente « La colonne oiseau », une sculpture en bois sur la place des pyramides.
Mais la vie du centre va vite connaitre des premières tuiles. La Samaritaine ne fera pas long feu et fermera seulement deux ans après l’ouverture du centre. Prenant une place importante dans le centre, sur trois niveaux, elle sera remplacée par plusieurs commerces reliés par une nouvelle allée baptisée « la Colonnade » sur le niveau 1 et 2. Le troisième niveau restera sans affectation durant une petite décennie avant que l’enseigne de jouets Toys ‘R’ Us n’arrive en 1992.
La piste de patin à roulettes aussi ne tardera pas à fermer deux ans également après l’inauguration. Les propriétaires de l’époque trouvaient qu’elle attirait trop de jeunes « désœuvrés » et des « marginaux ». Elle fût alors remplacée par un espace d’exposition comme à Parly 2.
Le 12 septembre 1986, à 12h30 une explosion se produit dans la cafétéria Casino du centre commercial des Quatre Temps. L’attentat qui ne fera aucun mort, comptera tout de même 41 blessés et engendrera d’importants dégâts. La bombe avait été placée dans une boite en fer blanc le tout déposé sous un banc. Face à l’importante déflagration, une cliente fut soulevée et projetée dans les vitres du restaurant. Le ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua se rendit sur place pour condamner l’attentat revendiqué à Beyrouth d’une part par « Les partisans du droit et de la liberté » et d’autre part par le CSPPA.
Dans les années 90, le Midnight Express, qui était situé à l’emplacement actuel de l’ex-Castorama dans le centre commercial des Quatre Temps au niveau 1, est de plus en plus mal fréquenté. La boite de nuit connaîtra un premier drame en juillet 1990 quand un jeune d’une bande, nommé Omar Touré perd la vie après avoir reçu un violent coup à la tête donné avec un gourdin de bois par Mamadou Drame, d’une bande rivale. Un second drame se produira le 14 décembre 1997 dans un des parkings de La Défense. Une altercation entre deux jeunes filles provoque une bagarre générale opposant une vingtaine de personnes à la sortie de la boîte de nuit. Quelques minutes plus tard, Fabrice Catalan, un Nanterrien alors âgé de 22 ans, était retrouvé gisant dans le sang dans un recoin du parking, la tête transpercée par une balle de revolver. Une blessure à laquelle il a, par miracle, survécu. La discothèque sera connue également sous le nom de Diamant Noir ou encore Opéra Défense. Cette boite sulfureuse coupera définitivement la musique à la fin des années 90.
Dix ans après son inauguration au début des années 90, le centre des Quatre Temps connait une grosse première extension. Le « roi » de l’immobilier de La Défense, Christian Pellerin, PDG de la Sari édifie sur le toit de l’hypermarché Auchan, une Cité de l’automobile combinant un musée et un showroom ainsi qu’une grande salle Imax de 467 places qui prendra le nom de Dôme Imax. Le Dôme Imax diffuse notamment le film Fantasia 2000 qui attire un large public. En quatre mois, le dessin animé avait réalisé les meilleures recettes jamais enregistrées par le dôme. Cependant le reste de la programmation, consacrée essentiellement à la faune aquatique, ne recueille pas le même succès. Le musée de 6 000 mètres carrés, qui expose quelques 110 voitures de collection, est lui aussi trop peu fréquenté.
Deux ans plus tard, la SERET Aménagement qui est devenu Espace Expansion passe dans le giron d’Unibail. La foncière née en 1968 acquiert en 1992 le centre commercial avec plusieurs projets en tête et de grosses ambitions.
Le nouveau propriétaire d’Unibail, et son président, Léon Bressler, qui ont acquis les lieux décident la fermeture définitive du Musée de l’Automobile et du Dôme Imax le 24 décembre 2000. Au sein même du complexe de la Colline de La Défense, le conseil général reste encore en quelque sorte « propriétaire » du musée de l’Automobile même si, depuis fin 1999, Unibail a racheté la société ainsi que les actifs immobiliers de l’opération Colline de l’automobile. A la place le groupe immobilier a la volonté d’y installer un grand multiplex UGC Ciné Cité.
Le mercredi 3 janvier 2001, surprise pour les 49 employés du Bricorama des Quatre Temps. En arrivant sur leur lieu de travail, le personnel découvre de grandes palissades blanches scellant les portes du magasin, posées à 6 heures du matin par des huissiers mandatés par Espace Expansion. La raison de cette fermeture soudaine réside dans une décision de justice du tribunal de Grande Instance de Nanterre du 17 octobre 2000 en faveur du propriétaire du centre qui n’a pas renouvelé le bail avec la chaine de bricolage. Le litige entre les deux parties trainait depuis 1995. Ce jour-là Thierry Scordel, directeur administratif et financier du groupe Bricorama furieux s’exprime dans l’édition Hauts-de-Seine du Parisien : « C’est très rare de voir de tels comportements dans le monde du commerce. Je considère que leurs méthodes s’apparentent à celles de brigands ». Michel Dessolain, président d’Espace Expansion, lui, se défend « J’estime que nous nous sommes montrés suffisamment patients pour que le magasin puisse s’organiser et quitter la surface à temps ». Malgré la requête déposée par les responsables de Bricorama pour tenter de faire rouvrir le magasin, le Bricorama des Quatre Temps restera définitivement fermé. Le personnel sera réaffecté à d’autres points de ventes du groupe. L’enseigne Extrapole, devenu Virgin en profitera pour s’agrandir et par la suite le Go Sport prendra le reste du local en s’étendant désormais sur deux niveaux.
Ouverte en 1994, au second niveau du centre commercial, l’enseigne de distribution anglaise Marks & Spencer ferme ses portes en 2001 comme sur les dix-sept autres points de vente en France qui pour certains seront repris par les Galeries Lafayette.
En ce samedi 27 janvier 2001, des bandes rivales se sont violemment affrontées. Des centaines de clients du centre se retrouvent pris au piège. En début d’après-midi 300 jeunes de trois bandes rivales de Mantes-la-Jolie, les Mureaux et Chanteloup-les-Vignes se retrouvent au pied de la Grande Arche à la sortie de la gare du RER. Ils entendent régler leurs comptes entre eux. Lors de cet affrontement, sept des jeunes seront blessés dont un sérieusement et une trentaine interpelés. Cet affrontement dans l’un des plus grands centres commerciaux de France portera pendant de longues années un préjudice d’honorabilité et de fiabilité au centre. L’information qui aura marqué les esprits entrainera une méfiance pour le centre et plus généralement pour La Défense. Pour bon nombre de franciliens et de parisiens le quartier est un lieu mal fréquenté et dangereux.
Devenu vieillissant, souffrant d’une réputation de plus en plus mauvaise, Unibail décide de lancer le projet de rénovation de son centre phare. C’est l’agence d’Anthony Belluschi qui suite à un concours international est chargé d’imaginer la nouvelle vie du mall. Ce dernier s’associe avec l’agence française SRA. Les travaux seront un défi : rénover entièrement le centre commercial, très daté des années 80, et l’agrandir de 22 000 mètres carrés (15 000 mètres carrés pour les espaces de loisirs et restaurants et 12 000 mètres carrés pour le cinéma) sans le fermer et en limitant au maximum la fermeture de boutiques.
L’extension des Quatre Temps se fait par la place du Dôme et surtout par l’ancien musée de l’automobile fermé le 24 décembre 2000. Destiné à accueillir le nouveau Pôle loisirs du centre commercial, un nouveau bâtiment est construit sur la quasi intégralité de la place du Dôme.
En réponse à ces enjeux, les architectes ont cherché à donner une image claire et lisible du centre par rapport à son environnement. La façade Nord, le long du Parvis, a été traitée sous la forme d’une longue « boîte de lumière » remplaçant les anciens panneaux de couleurs vertes. Constituée de 108 éléments vitrés verticaux de 8 mètres de hauteur et de 1,30 mètre de largeur, elle est éclairée de l’intérieur par des projecteurs chromatiques LED pilotés informatiquement, donnant de jour comme de nuit un sentiment de transparence et de profondeur et permettant de multiples scénarii de lumière. Les vitrines en façade ont été avancées à l’alignement du bâtiment, insufflant plus de présence à l’activité commerciale sur le parvis, tandis qu’une marquise continue, en verre, permet aujourd’hui de longer les boutiques tout en étant à l’abri. Les nouvelles entrées ont été agrandies et théâtralisées offrant des perspectives sur le quartier de La Défense.
Le Dôme est traité avec le même vocabulaire que la façade sur le parvis avec une paroi largement vitrée donnant une grande luminosité et une transparence à l’intérieur du bâtiment, tandis que la toiture se prolonge au-dessus de l’entrée par un vaste auvent. La pièce maîtresse de cette transformation est une coupole spectaculaire qui s’inscrit dans un cercle de 31 mètres de diamètre et que traverse un « javelot de lumière » de 35 mètres de long pour atteindre un petit bassin en contrebas, geste architectural fort, alliant « audace et technicité ». À son extrémité, un rayon de lumière le prolonge en s’élançant vers le ciel. À l’intérieur du centre, les architectes ont cherché à redonner une plus grande fluidité entre les différentes allées de circulation qui s’articulent de façon systématique autour de places circulaires, renvoyant les unes vers les autres. Enfin, la scénarisation des espaces intérieurs participe à la nouvelle image des Quatre Temps, celle d’un lieu de découvertes multiples foisonnant d’idées. Au Dôme, quatorze restaurants ouvrent : Hippotamus, Yo, Le Paradis du fruit, Rosso Café, Bert’s, Elefanto, Helixir, Starbucks Coffee, Viagio, Ching N’Ling, Flo Prestige et Mc Donalds.
L’une des pièces maîtresses de cette extension du centre commercial des Quatre Temps est le nouveau cinéma UGC. C’est à l’architecte Alberto Cattani qu’UGC confie la réalisation du nouveau complexe. L’architecte n’est pas un novice pour le groupe UGC puisqu’il a déjà signé plusieurs réalisations comme l’UGC Ciné Cité Bordeaux ou encore l’UGC Ciné Cité les Halles… Alberto Cattani a travaillé en étroite collaboration avec les équipes d’Anthony Belluschi et celles de l’agence de design global Saguez & Partners afin de réaliser ce nouveau temple de cinéma. Leur mission commune était de réfléchir à la nouvelle image du centre élargi à travers son identité, sa signalétique, son design mobilier et la mise en avant de ses services. Seize salles de 163 places à 394 places composent ce cinéma. La salle 16, l’ancien Dôme Imax, conserve une grande partie de son aspect intérieur et passe de 467 places à 394 places dont 10 places pour PMR (Personne à Mobilité Réduite). La salle bénéficie d’un grand écran de 135 mètres carrés.
Cette extension du centre ainsi que le nouveau cinéma UGC Ciné Cité La Défense sont inaugurés officiellement par Unibail-Rodamco le 26 avril 2006. L’ancien cinéma ferme lui après vingt-cinq d’existence le 23 avril 2006. Le lendemain le 27 avril, Tom Cruise immortalise l’évènement par son arrivée en hélicoptère qui se pose sur le parvis de La Défense. L’acteur remonte une petite partie d’un long tapis rouge de 1 200 mètres installé sur le parvis devant des centaines de personnes pour l’avant-première mondiale du film « Mission Impossible III ». Dans ce nouveau complexe, 1 200 mètres carrés sont consacrés aux espaces d’accueil, de service et d’exposition.
La seconde tranche des travaux de rénovation se poursuit jusqu’en avril 2008. Absente depuis l’expulsion de Bricorama en janvier 2001, une enseigne de bricolage fait son retour dans le centre au grand bonheur des bricoleurs. Mais cette fois-ci c’est Castorama qui ouvre un magasin de 9 000 mètres carrés répartis sur deux niveaux prenant la place de l’ancien cinéma UGC et de la discothèque Midnight Express. Ce Castorama, le plus grand d’Ile-de-France à son ouverture est également le premier à s’implanter dans un centre commercial. La Place des Terrasses qui a accueilli les deux premières années la patinoire, devient « La Clairière » : un espace de verdure, lumineux consacré à l’équipement de la maison. Le choix des matériaux (le bois et la terre) et les couleurs à dominante de marron et de vert font de ce grand espace repos du centre, un véritable poumon vert de 120 mètres carrés d’espace planté. Un parquet d’une surface de 1 200 mètres carrés revêt le sol de la clairière. Des jardinières avec différents types de plantations (arbres, arbustes, fleurs) sont réparties dans cet espace. Un mobile suspendu au plafond tapissé de bois forme une pluie de lames de bois. Les toilettes sont habillées de visuels nature et de placages en chêne clair. C’est de la pierre de Bourgogne, la même qu’au Louvre qui recouvre les autres sols.
« L’entrée de Paris » est marquée par une faille aux parois composées de visuels feuille et bois. Sur les façades intérieures de l’entrée, l’artiste Patrick Blanc a planté deux murs végétaux. Un écran géant d’une soixantaine de mètres carrés, situé sur la paroi du Castorama (Place de La Défense) diffuse divers programmes dont de la publicité. Il est opéré par TF1 Outdoor et Clear Channel, puis par Clear Channel seul.
A l’entrée « Porte de Courbevoie » un panneau vertical noir reprend les principales enseignes du centre, remplaçant les anciennes enseignes lumineuses situées auparavant juste à côté. Ce mat noir avec l’inscription des enseignes noires est beaucoup plus sobre et finalement les rend plus visibles. Les deux parties donnant sur le boulevard circulaire et les accès à l’autoroute ont vu remplacer leurs bardages verts en forme de demi-cercle, par un nouveau bardage métallique gris clair.
Le logo des Quatre Temps évoque désormais les quatre zones du centre avec quatre couleurs (espace Kiwi, espace Mandarine, espace Framboise et espace Cassis) mais aussi quatre périodes de la journée (matin, midi, soir et tard). Le mobilier est lui aussi design, avec l’exemple des bancs « Mikado », composés de bandes multicolores. Des chaises et des bancs sont installés dans les différentes zones du centre, pour que les visiteurs puissent se reposer librement. Dans le quartier Framboise au niveau 2, depuis deux ans une moquette a été installée, « elle nécessite beaucoup d’entretien, notamment contre les chewim-gum » souligne Xavier Ramette en avril 2008. Le centre devient aussi plus écologique, avec plus de lumière naturelle pénétrant dans le centre, ce qui permet donc une consommation moindre d’éclairage artificiel.
C’est le 1er avril 2008 que Guillaume Poitrinal, PDG d’Unibail devenu Unibail-Rodamco en 2007, inaugure la seconde tranche des Quatre Temps, marquant plus globalement la fin des travaux du centre.
Depuis sa rénovation, le centre commercial les Quatre Temps accueille de nouveaux concepts et de nouvelles enseignes comme Uniqlo qui ouvre le 27 novembre 2008 son tout nouveau point de vente en France avant de l’agrandir sur 2 000 mètres carrés le 28 octobre 2011. Mc Donalds avait lancé fin 2004 un nouveau concept de restaurant en rénovant son unité du centre commercial et en y intégrant le premier Mc Café français.
Annoncé lors de l’inauguration du centre en 2008 comme le premier en France, l’Apple Store des Quatre Temps, très attendu par les fans, n’ouvre finalement que le 25 mai 2012. La boutique est située dans le mail Framboise au niveau 1 du centre et se situe entre le Go Sport et la boutique Smart Box. Cette onzième boutique de la marque à la pomme à ouvrir en France se développe sur une surface de 1 000 m². Pour accompagner cette arrivée le centre commercial rénove la zone en installant un parquet, un nouveau plafond avec de nouveaux éclairages et du nouveau mobilier.
Depuis octobre 2010, suite au classement du quartier de La Défense en zone touristique, les boutiques des Quatre Temps ainsi que du CNIT ont l’autorisation d’ouverture tous les dimanches.
Cinq ans après, le centre change son logo. Le nom « 4 Temps » est maintenant inscrit dans quatre cercles se superposant. Ce nouveau logo conserve les quatre couleurs faisant référence aux quatre zones du centre. Mais fini le slogan « Matin, midi, soir, tard » le centre opte désormais pour le message « Les Quatre Temps, prenez de l’avance ». Cette nouvelle identité visuelle a été conçue par l’agence Saguez & Partners, qui était également à l’origine de l’ancien logo.
Un an après la mise en place de son nouveau logo, remplaçant le précédent datant de 2006, le centre de shopping améliore sa façade donnant sur le parvis. Le nouveau logo rond remplace l’ancien situé au-dessus de chaque entrée. Chaque logo se décline avec la couleur de la zone d’entrée concernée du centre. La façade de verre éclairée la nuit, est désormais également éclairée le jour. Des petits carrés lumineux sont posés tout le long de la façade. Au début de l’année 2013 ils animent par des jeux de couleurs toute cette paroi du centre.
Six ans plus tard, Unibail-Rodamco qui a racheté en 2017 le géant des centres commerciaux Westfield décide de rebaptiser plusieurs de ses malls français dont celui des Quatre Temps. Et c’est le 12 septembre 2019 que la galerie marchande devient officiellement « Westfield Les 4 Temps » au lendemain d’une grande fête où le chanteur américain John Legend donne un concert très privé sur la place de La Défense.
Tout semble alors aller pour le mieux au Westfield Les 4 Temps. Un premier coup dur touche le centre. En difficulté l’enseigne Castorama décide de jeter l’éponge et de fermer son immense magasin de 9 000 mètres carrés dans le courant de l’année 2020. Unibail-Rodamco-Westfield va devoir s’atteler à trouver un remplaçant. Plusieurs noms circulent et c’est finalement Zara qui jette son dévolu, mais uniquement sur le premier niveau. Le second, de taille quasi-identique au premier n’a à ce jour pas trouvé preneur.
Ce départ va pousser Unibail-Rodamco-Westfield à enclencher une nouvelle modernisation de son centre. Celle-ci débute en 2020 par la Clairière, dont les travaux doivent s’achever bientôt. Les matériaux utilisés se veulent plus nobles pour la zone qui est réorganisée. Les restaurants sont tous localisés au second niveau, tandis que le premier n’accueille plus que des commerces.
De l’autre côté, quinze ans après son ouverture le Dôme bénéfice aussi d’un coup de jeune. La diminution de surface de l’ex Toys ‘R’ Us devenu PicWicToys, entraine un agrandissement de l’espace qui va accueillir désormais une petite dizaine de restaurants supplémentaires.
Mais le second gros coup dur arrive il y a un an, en mars 2020 lorsque Emanuel Macron annonce un confinement de la France à cause de la pandémie du Coronavirus. Le plus grand mall de France en termes de fréquentation avec 44,3 millions de visiteurs annuel doit brutalement fermer le samedi 14 mars. Le mall ne rouvrira que le 4 juin avant de refermer pour un second confinement entre le 31 octobre et le 28 novembre 2020. Après avoir passé une période de Noël inédite et accueilli une version réduite du Marché de Noël exilé à cause de la pandémie, le Westfield Les 4 Temps est de nouveau contraint de fermer ses portes suite au rebond des contaminations le samedi 30 janvier. Seul l’hypermarché Auchan et quelques enseignes alimentaires sont alors autorisés à rester ouverts.
« Le site a beaucoup évolué. En 1981, les Quatre Temps était dans l’air du temps et on considère qu’en 2021 le centre l’est toujours », explique Dominique Hautbois, directeur de l’Operating Management, des Extensions/Rénovations et de l’Investissement, Retail France. Pour l’avenir Unibail-Rodamco-Westfield entend faire revenir les services, mais aussi les loisirs. « Notre avenir c’est de continuer sur ce type d’activité », poursuit Dominique Hautbois qui envisage de faire revenir un rooftop, notamment sur le toit de l’ancien Castorama. « Nos centres sont devenus des lieux de vie où les gens ont envie de s’y retrouver », estime pour sa part Thibault Desmidt, le directeur du centre.
L’avenir du Westfield Les 4 Temps pourrait aussi passer par une extension. Évoqué depuis une quinzaine d’années, le mall pourrait s’agrandir soit en gagnant un niveau ou bien du côté de la Demi-Lune à l’emplacement de l’échangeur en déshérence. « On est toujours ouverts pour discuter avec Paris La Défense. Nous même on pense que c’est important de s’ouvrir vers la ville. Il y a des idées et des schémas directeurs », indique Dominique Hautbois qui précise que si ce projet devait aboutir l’objectif serait de venir accompagner la ligne 15 du Grand Paris Express en 2030.