Il a été le premier, et surtout l’un des seuls hommes politiques français, à mourir du Covid-19. Il y a tout juste cinq ans, le 28 mars 2020, Patrick Devedjian s’éteignait après plusieurs jours d’hospitalisation. Deux jours plus tôt, il avait révélé sur X (ex-Twitter) être atteint du virus et avoir été admis à l’hôpital tout en saluant « le travail exceptionnel des médecins et de tous les personnels soignants ».
Personnalité emblématique du paysage politique français, Patrick Devedjian a su imposer sa marque dans les Hauts-de-Seine, un département façonné par des figures telles que Charles Pasqua et Nicolas Sarkozy. Fils de réfugiés arméniens ayant fui le génocide, il grandit en région parisienne et suivit des études de droit à l’université Panthéon-Assas. Brillant juriste, il devint avocat au barreau de Paris, se spécialisant en droit des affaires et en droit public. Il défendit notamment plusieurs figures politiques et économiques, ce qui contribua à asseoir sa réputation d’avocat redoutable et fin stratège.
Dans sa jeunesse, il fut proche du mouvement d’extrême droite Occident, mais s’éloigna rapidement de cette mouvance pour se tourner vers le gaullisme. Dans les années 1970, il rejoignit le Rassemblement pour la République (RPR), trouvant en Jacques Chirac un mentor politique.
Élu maire d’Antony en 1983, il transforma profondément la ville en modernisant ses infrastructures et en développant son attractivité économique. Il exerça cette fonction jusqu’en 2002, marquant durablement la commune par sa gestion pragmatique et son souci d’efficacité. En parallèle, il fut élu député des Hauts-de-Seine en 1986, un mandat qu’il conserva sans discontinuer jusqu’en 2017. Proche de Jacques Chirac, puis de Nicolas Sarkozy, dont il devint l’un des plus fidèles soutiens, il gravita dans les hautes sphères du pouvoir.
Sa carrière ministérielle débuta sous les gouvernements Raffarin et Fillon, où il occupa plusieurs postes stratégiques. En 2002, il fut nommé ministre délégué aux Libertés locales sous Jean-Pierre Raffarin. À ce poste, il défendit la décentralisation et travailla sur l’autonomie accrue des collectivités territoriales. De 2004 à 2005, il fut ministre délégué à l’Industrie, jouant un rôle clé dans le soutien aux entreprises industrielles françaises. En 2008, en pleine crise financière, il fut nommé ministre auprès du Premier ministre, chargé de la mise en œuvre du plan de relance. Son passage à la tête de l’UMP en tant que secrétaire général (2007-2008) confirma son influence dans l’appareil politique de la droite.
Patrick Devedjian a profondément marqué les Hauts-de-Seine par son engagement pour le développement et la modernisation du département. Dès sa prise de fonction en 2007 à la présidence du conseil départemental, où il succéda à Nicolas Sarkozy, il s’attela à transformer le département le plus riche de France. Il poursuivit les projets d’infrastructures et d’aménagement du territoire, avec une attention particulière portée à la mobilité, au logement et à l’environnement. Son action se traduisit notamment par la mise en place d’une politique ambitieuse en matière de transports publics, facilitant l’accès au réseau de transports en commun, et la valorisation du patrimoine immobilier. Il soutint également la création de nouveaux équipements culturels, éducatifs et sportifs, contribuant ainsi à améliorer la qualité de vie des habitants. Parmi ses réalisations majeures, il est à l’origine de la création de la Seine Musicale à Boulogne-Billancourt, un lieu emblématique pour la culture et les arts dans la région.
Il joua également un rôle clé dans la structuration du quartier d’affaires de La Défense, participant activement à la création de l’établissement public Paris La Défense en 2018, l’organisme chargé de piloter l’aménagement, la gestion et la promotion du quartier d’affaires. Patrick Devedjian prôna une vision ambitieuse pour le territoire de La Défense, en cherchant à améliorer la qualité de vie des salariés et des habitants, en intégrant des espaces verts, en développant les transports et en œuvrant pour une plus grande mixité fonctionnelle dans le quartier. Son impact sur La Défense reste un aspect marquant de son héritage.
Parallèlement, Patrick Devedjian demeura un ardent défenseur de la cause arménienne. Il milita sans relâche pour la reconnaissance du génocide arménien et soutint activement la communauté arménienne en France.
Cinq ans après sa mort, ses anciens proches conservent en mémoire un homme politique engagé. « Je garde le souvenir d’un homme politique comme on aimerait en avoir aujourd’hui. Il avait une grande vision stratégique. Il était courageux, même s’il pouvait être parfois brutal dans sa manière de faire. Il a su transformer le département et La Défense », confie Marie-Célie Guillaume, l’ancienne directrice générale de Paris La Défense, qui a travaillé avec lui à divers postes durant deux décennies après l’avoir rencontré lors de son passage au ministère des Libertés locales.
Sa disparition, aussi brutale que soudaine, avait marqué les acteurs politiques français, à commencer par son successeur, Georges Siffredi. « Ça n’a pas été facile de lui succéder. Son départ a été brutal, en plein Covid », ajoute Georges Siffredi, qui était à l’époque son premier vice-président.
En hommage à Patrick Devedjian, plusieurs lieux du département ont été renommés à son effigie, à commencer par le boulevard circulaire, désormais appelé boulevard Patrick Devedjian. Cet axe majeur du quartier d’affaires, dont l’entretien avait été négligé par l’État, avait été repris en main par le département sous son impulsion, dans le but de le transformer en une voie apaisée.