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lundi 31 mars 2025
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« La Cathédrale des Ombres » : l’ex-patronne de La Défense signe un roman-fiction sur un quartier d’affaires au bord du gouffre

Treize ans après son livre au vitriol contre Sarkozy et son clan, l’ancienne directrice de Paris La Défense, Marie-Célie Guillaume, sort un nouveau roman-fiction où le quartier d’affaires de La Défense sombre dans le chaos.

Plongée dans une Défense moribonde. En juin 2012, Marie-Célie Guillaume est une parfaite inconnue des altoséquanais et encore plus des français. Elle est pourtant directrice de cabinet du président des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian. Ce n’est pas cette fonction qui va la rendre célèbre, mais la sortie de son roman politique à clé « Le Monarque, son fils, son fief » en juin 2012. Dans cet ouvrage écoulé à plus de 60 000 exemplaires, elle dresse un portrait au vitriol de Nicolas Sarkozy et de son clan. Elle va alors s’attirer les foudres du président tout juste écarté de l’Élysée, qui a dirigé les Hauts-de-Seine de 2004 à 2007.

Sous la pression et après avoir été éloignée de son poste de directrice de cabinet, Patrick Devedjian va lui confier en février 2014 les rênes de Defacto, qui deviendra en janvier 2018 Paris La Défense suite à sa fusion avec l’Epadesa. Partie de l’établissement public à l’été 2020, Marie-Célie Guillaume s’est lancée dans des activités de conseil et de communication de crise.

Mais la plume lui a visiblement manqué. Treize ans après son premier roman, Marie-Célie Guillaume a repris l’écriture avec, cette fois-ci, un polar apocalyptique mélangeant habilement réalité et fiction, où La Défense (et plus largement la France) plonge peu à peu dans le chaos.

Dans cette dystopie baptisée « La Cathédrale des Ombres », le plus grand quartier d’affaires n’est plus que l’ombre de lui-même. Alors que la France sort de la pandémie, le pays sombre lentement et le monde est proche d’une troisième Guerre mondiale. Les salariés en télétravail ont déserté leurs bureaux, les buildings se vident, les boutiques sont la cible de pillards, un groupuscule d’activistes devient de plus en plus violent, les cités voisines s’embrasent, le climat s’emballe, l’économie française s’écroule et le pouvoir vacille.

Dans cette société au bord de l’effondrement, la jeune commissaire Salomé Murat qui a lâché sa carrière de journaliste doit enquêter sur un étrange suicide : celui d’Igor Pipoderov, un sulfureux promoteur russe (qui n’est pas sans rappeler Emin Iskenderov) projetant de construire deux tours jumelles en bord de Seine… L’homme est retrouvé mort, pendu dans les dédales du quartier d’affaires par un certain Picasso, SDF bien connu des habitués. Mais Salomé, un brin idéaliste, ne croit pas vraiment à la piste du suicide, alors qu’au même moment, la mort l' »Arménien » (qui est bien évidemment Patrick Devedjian) qui dirigea le quartier est remis en question. À travers son enquête, elle va pénétrer le monde mystérieux des profondeurs de La Défense, au moment même où le (et son) monde s’effondre et le pouvoir titube.

Paru aux éditions Michel Lafon, le livre d’un peu moins de 300 pages sort ce jeudi 27 mars. Il est vendu en librairie, chez Cultura, la Fnac, Amazon… à 19,95 euros et à 13,99 euros en e-book. Un roman que Marie-Célie Guillaume va dédicacer ce jeudi entre 17 heures et 19 heures au Cultura du Westfield Les 4 Temps.

« La Cathédrale des Ombres » sort ce jeudi 27 mars aux éditions Michel Lafon – Defense-92.fr

Entretien avec Marie-Célie Guillaume

Pourquoi ce livre et pourquoi ce titre ? 

J’ai écrit ce livre car j’avais envie de rendre hommage à ce territoire méconnu et très mal-aimé. Je voulais partager mon regard sur ce territoire singulier qui m’a apprivoisée et que j’ai appris à aimer. Je voulais également rendre hommage à ceux qui l’ont fait, les anciens de l’Epad, et ceux continuent de le façonner, les agents de la maintenance ou du PC de sécurité qu’on oublie souvent mais dont le rôle est aussi important que les ingénieurs de l’aménagement. Et puis, je voulais faire revivre Patrick Devedjian (mort du Covid-19 le 28 mars 2020) et Laurent Roques (directeur général adjoint de Paris La Défense décédé d’un cancer le 2 novembre 2020).

À La Défense, il y a deux mondes. Celui du dessus, que tout le monde voit et connaît, avec les tours, les entreprises du CAC 40, les salariés et les consommateurs pressés. Et le monde du dessous, invisible, obscur et mystérieux, avec des volumes vides dont le plus spectaculaire est la Cathédrale engloutie. Cachés sous la dalle, il y a des ombres, ceux que l’on ne veut pas voir, les réprouvés, les exclus du système. La cathédrale des ombres est une métaphore de notre société et de notre modernité, arrogante et fragile, qui est arrivée aujourd’hui à ses limites.  C’est aussi une allégorie de nos cheminements intérieurs.

 

Dans ce roman, vous imaginez une France au bord du précipice, où La Défense n’est plus qu’un fantôme. Où est la frontière entre le réel et la fiction ?

C’est un roman d’atmosphère, dans lequel je mélange les atmosphères d’un territoire, d’une époque, d’une expérience personnelle et d’un chemin intérieur. J’ai pris une licence fictionnelle à partir de faits réels. Chaque lecteur placera où il veut la frontière entre le réel et la fiction. La dystopie permet de prendre un temps d’avance pour raconter ce qui vient. Je voulais évoquer un futur très proche, mais j’ai été rattrapée par le réel ! Le chaos dans lequel nous sommes aujourd’hui, que ce soit nationalement ou internationalement, dépasse ce que j’imaginais.

 

Faut-il faire un parallèle entre l’effondrement de la société imaginé dans votre livre et ces lieux mystérieux sous la dalle ?

Ce territoire de La Défense est très intéressant, car c’est un concentré de notre société avec toutes ses contradictions. La tension entre le vertical et l’horizontal, le masculin et le féminin, le matériel et le spirituel. Au-dessus, il y a ce monde très masculin, démonstratif, écrasant, vertical, qui incarne le pouvoir, la domination, le patriarcat. Et en dessous, dans les entrailles du quartier, il y a la dimension féminine du territoire, négligée, oubliée, maltraitée. Une matrice qui abrite et protège les exclus du système. La Défense est une belle allégorie de notre modernité présomptueuse, qui a cru tout dominer et tout contrôler en construisant une société artificielle totalement hors-sol, coupée de la nature, mais dont les fondations sont très fragiles. Mon roman est aussi un roman d’espoir. Quand une société bascule ou s’effondre, on a le choix entre la violence, la guerre, la domination encore et toujours, ou alors l’éducation, la culture, la poésie, l’altérité. Dans les interstices obscurs et invisibles de notre société, il y a des femmes et des hommes qui tentent modestement, discrètement, de rassembler les fragments, retisser les liens, et inventer des chemins différents. Et si on les rendait visibles ?

Le roman de Marie-Célie Guillaume est centré sur la Cathédrale engloutie de La Défense – Defense-92.fr

Pourquoi faire ce lien entre Iskenderov et Pipoderov ?

Pipoderov, c’est l’histoire d’un bluffeur. D’un homme avec une capacité de conviction et de séduction hors du commun et un vrai talent. Il a embobiné durant plus de quinze ans l’aménageur, les élus, les hauts fonctionnaires, le gouvernement, bref tout le monde, pour quel résultat ? C’est un fiasco et un vrai gâchis.

 

Avec ce roman-fiction, voulez-vous régler vos comptes avec certaines personnes, comme Emin Iskenderov, avec qui vous avez eu des relations très compliquées ? 

Pas du tout. Je n’ai aucun compte à régler avec qui que ce soit, et encore moins avec Iskenderov. Il s’en est chargé tout seul. Aujourd’hui, son projet est enterré, Paris La Défense va enfin pouvoir s’atteler à réinventer le quartier des Saisons.

 

Avez-vous peur de ce promoteur qui voulait dresser deux tours jumelles dans le ciel de La Défense ?

Il ne m’a jamais fait peur ! Ce n’est pas parce qu’on essaie de vous intimider qu’il faut avoir peur.

 

Dans votre roman, il y a donc des personnages réels connus, d’autres beaucoup moins, et des personnages fictifs ?

Oui, il y a de nombreux personnages inspirés des personnes que j’ai connues ou avec qui j’ai travaillé quand j’étais à Defacto puis Paris La Défense, même parmi ceux qui paraissent totalement farfelus. J’ai une tendresse particulière pour Picasso, le SDF, ancien salarié fracassé par la vie, qui vit au pied des tours dans lesquelles il travaillait. J’en ai rencontré des sans-abri avec une histoire similaire, et les plus anciens de Paris La Défense se souviennent tous de Picasso et ses pots de peinture.

 

Faut-il faire un parallèle entre la commissaire et votre vécu ?

A certains égards, oui. J’ai été la première femme, non ingénieure de surcroît, à diriger l’aménageur de La Défense. La commissaire raconte aussi cela, l’arrivée d’une femme avec son regard, sa sensibilité, sa façon de faire différente, dans ce monde fait par ou pour les hommes. Il fallait sans doute une femme pour oser explorer et réveiller l’horizontalité de La Défense, sa part féminine. La découverte du sous-dalle par la commissaire est très inspirée de ma propre expérience. Quand je suis arrivée à la tête de Defacto, on était en plein conflit social avec les équipes de sécurité. Le deuxième jour, je suis allée à leur encontre et j’ai passé une nuit avec eux à patrouiller dans les entrailles de La Défense. Ils m’ont emmenée partout, dans les endroits les plus glauques, j’ai rampé dans les galeries, grimpé les échelles. C’était une sorte de bizutage, mais ce fut une nuit fondatrice pour moi. C’est là que je suis tombée amoureuse de La Défense. Dessous, il y a une énergie particulière, quelque chose que l’on ne perçoit pas du dessus. La Défense est une géante, dont on ne voit au-dessus que la tête et les bras. Il faut aller dessous pour percevoir le cœur, le réseau sanguin et nerveux, les poumons, les intestins, l’estomac. C’est la « bête »,  avec ses pulsations, ses grognements, ses excréments. Une géante qui a un corps, et ce corps est vivant.

 

Finalement, La Défense c’est votre personnage central ?

Tout à fait. La Défense est beaucoup plus qu’un simple décor, aussi spectaculaire soit-il. Au delà de son gigantisme et de son caractère minéral, c’est un écosystème vivant. Une géante forte et fragile à la fois. Je reste persuadée qu’elle saura trouver une nouvelle jeunesse, se réinventer. Et que son avenir est tapis là, quelque part, dans les plis obscurs et cachés de ses entrailles. 

 

Avec ce roman, vous ouvrez des portes sans vraiment les refermer. Envisagez-vous une suite ?

Je ne l’exclus pas. J’ai quelques idées… Pour le moment je prépare un autre livre sur un tout autre sujet.

 

Et une adaptation à la télévision, au cinéma ou sur une plateforme, est-ce un rêve pour vous ?

J’aimerais bien… J’ai toujours trouvé que La Défense était hyper photogénique. Mais ce n’est pas à moi de juger si l’histoire est suffisamment forte pour intéresser un réalisateur ou un producteur.

Le personnage Igor Pipoderov est largement calqué sur Emin Iskenderov, le promoteur des deux tours Hermitage, un projet géant qui n’a jamais abouti – Defense-92.fr
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