Quinze grandes mesures pour éviter le déclin du quartier d’affaires. Quelques mois après la présentation de l’étude choc de Deloitte, portée par l’AUDE (l’Association des utilisateurs de La Défense), cinq grands investisseurs représentant près de 15 % des actifs du quartier ont révélé leur vision pour 2050.
Réuni sous la bannière « La Défense 2050 », ce groupement, composé d’Allianz France, Axa IM Alts, Groupama Immobilier, Société Générale et Unibail-Rodamco-Westfield, a présenté quinze propositions pour redynamiser le plus grand quartier d’affaires d’Europe d’ici à 25 ans. « Nous avons investi cinq milliards d’euros à La Défense au cours des dix dernières années », affirme Roland Cubin, directeur général délégué chez Groupama Immobilier. De quoi affirmer publiquement leur poids et envoyer un message aux décideurs publics.
Pour dépasser la monoactivité des bureaux et revitaliser le quartier, l’étude propose de créer deux pôles européens d’excellence : l’un centré sur l’intelligence artificielle, l’autre sur le climat et les énergies vertes, à l’image du « Campus Cyber » dédié à la cybersécurité, inauguré en 2022. Pour accompagner l’implantation de grandes écoles et centres de formation, l’étude envisage 115 000 mètres carrés de résidences étudiantes, des espaces de restauration, des lieux d’apprentissage partagés, des zones festives, des installations sportives, un incubateur spécifique au quartier et une marque « Campus La Défense » afin d’attirer des universités étrangères.
Les cinq investisseurs espère la mise en place un dialogue public-privé dans le cadre des nouvelles instances : Conseil de développement de La Défense, Atelier des territoires et une voix consultative au conseil d’administration de Paris La Défense.
Considérée comme l’une des plus strictes au monde, la réglementation incendie est perçue comme un frein par les investisseurs, qui réclament un assouplissement des règles, notamment sur les distances entre escaliers, l’élargissement des missions des agents SSIAP au gardiennage et à la maintenance, ou encore l’autorisation de nouveaux matériaux en IGH avec un sprinklage.
Le groupement souhaite également convaincre le législateur de simplifier la réglementation et d’établir une réglementation environnementale spécifique (RE 2020) pour les Immeubles de Grande Hauteur (IGH), en prenant en compte l’impact carbone de l’excellente desserte de La Défense. Il plaide aussi pour une fiscalité écologique incitant à la restructuration des tours plutôt qu’à leur démolition-reconstruction.

Alors que le taux de vacance avoisine actuellement près de 14 %, le groupement estime qu’il faudrait convertir 275 000 mètres carrés de bureaux en nouveaux usages sur dix ans, notamment en hôtellerie, enseignement supérieur ou encore en offres de loisirs et commerces. « Le taux de vacance est une opportunité. La vacance permet d’envisager une mutation et une évolution des usages », estime le préfet des Hauts-de-Seine, Alexandre Brugère.
Les investisseurs plaident donc pour une simplification des autorisations administratives afin de favoriser la transformation des bureaux vers d’autres usages et encourager « toutes formes d’expérimentations ». Une vieille chimère qui revient régulièrement sur le devant de la scène, mais qui n’a jamais été mise en œuvre dans le cœur historique du quartier, même si en périphérie de La Défense, des bureaux ont déjà été transformés en logements, notamment à Courbevoie.
Une idée forcement partagée par le président des Hauts-de-Seine et de Paris La Défense, Georges Siffredi. « Il faut embarquer l’État avec nous. Nous devons adapter certaines règles fiscales. La vente de charges foncières, à terme, ne sera plus suffisante », estime-t-il. « Il faut une loi d’exception pour La Défense. Nous ne pouvons pas nous limiter aux règles d’un Plan Local d’Urbanisme (PLU) intercommunal. Nous espérons un texte de loi au plus tard en septembre. Il nous faut un nouveau cadre réglementaire, un règlement d’urbanisme adapté, et pourquoi pas d’autres ajustements fiscaux et budgétaires pour Paris La Défense », ajoute-t-il.
« L’État a reçu le message cinq sur cinq. Il prendra sa part dans la transformation de La Défense », a assuré Alexandre Brugère, promettant « l’intérêt personnel » du Premier ministre François Bayrou et de la présidence de la République pour le sujet. « Le modèle de La Défense est d’être décentralisé. Il ne s’agira pas d’installer un ministère de La Défense. La Défense est gérée par les élus locaux », rajoute le préfet.
Pour éviter que des « fonds vautours » ne s’emparent d’actifs vieillissants ou que des gratte-ciels ne se dégradent, Paris La Défense envisage la création d’une foncière. « Une intervention foncière publique pourrait faciliter les opérations de reconversion », confie Pierre-Yves Guice, directeur de Paris La Défense.
Avec cette vision, les changements les plus spectaculaires passeraient par une transformation profonde de l’axe historique. De la Seine au pied de la Grande Arche, quatre cabinets d’architectes ont imaginé une dalle plus verte et plus accueillante. « Cette vision n’est pas un projet », prévient cependant Roland Cubin.
Christian de Portzamparc propose de percer le parvis pour créer un vaste puits de lumière vers la gare de La Défense, accompagné d’un verdissement de la dalle. Un projet ambitieux dont le coût pourrait atteindre plusieurs centaines de millions d’euros. « N’ayons pas peur des chiffres », relativise Roland Cubin, qui estime le coût plus modéré.


De son côté, le cabinet Syvil Architectures imagine « Le Forum », un espace situé à l’emplacement de l’ancien rond-point historique de La Défense. L’actuel patio verrait sa surface tripler pour atteindre 9 000 mètres carrés. Réparti sur trois niveaux, ce forum serait connecté par des liaisons en pente douce et des jardins en cascade.


Alors que Paris La Défense s’apprête à lancer son projet du « Parc » conçu par Michel Desvignes pour végétaliser l’esplanade, l’Atelier Soil propose une version encore plus verdoyante.


Enfin, Maud Caubet et son cabinet souhaitent reconnecter La Défense à la Seine avec la création de quais piétons sur les berges du fleuve. Peu accueillants actuellement, ces espaces bénéficieraient d’une passerelle dédiée aux circulations douces, recouvrant une partie du pont.


Une seule de ces visions pourrait voir le jour. « Il faut accepter d’être sobre et modeste dans l’espace public. Ces propositions sont des inspirations qui nourrissent des réflexions sur l’avenir », nuance Pierre-Yves Guice.
« Plus que jamais, nous croyons en l’avenir de La Défense. À ceux qui pensent que La Défense est en déclin, je dirais que son histoire ne fait que commencer. Le potentiel de transformation est absolument exceptionnel », s’enthousiasme Roland Cubin.
La Défense 2050 - DP