Délaissé durant des décennies, le quartier des Groues de Nanterre poursuit sa mutation. Son aménageur, l’établissement public Paris La Défense entend faire de ce quartier une référence en bas-carbone pour coller à sa raison d’être. Pour l’établissement public, « cette opération d’aménagement est l’un de ses plus ambitieux challenges en raison de son envergure et du niveau élevé de ses exigences environnementales ». Cette démarche d’analyse s’est inscrite dans le cadre de l’AMI initié par le Ministère de la Transition écologique, l’ADEME et Efficacity pour accompagner les porteurs de projets engagés dans la démarche ÉcoQuartier.
L’analyse a été menée par Ingérop grâce au logiciel de référence UrbanPrint, développé par Efficacity et le CSTB. Cet outil, qui allie étude quantitative de la performance et examen critique, permet l’évaluation en analyse de cycle de vie (ACV) des impacts énergie/carbone et environnementaux d’un projet d’aménagement urbain (neuf, rénovation ou mixte). Ses conclusions constituent une source fiable pour identifier les leviers d’action. Elles offrent à Paris La Défense des arguments chiffrés pour étayer ses prescriptions vis-à-vis des constructeurs et des promoteurs, en se fondant, pour la première fois, sur la méthode de calcul de la performance Quartier Énergie Carbone portée par l’ADEME. Le principe est de comparer le projet d’aménagement étudié, en l’occurrence les Groues, à une opération affichant les mêmes spécificités et qui aurait recours à des matériaux classiques (béton, acier). L’outil mesure les performances à l’échelle du bâtiment, des espaces extérieurs et du quartier ainsi que par thématique (énergie, déchets,…). Une empreinte carbone par habitant et les indicateurs du futur label BBCA Quartier sont aussi évalués.
Une opportunité d’expérimentation
À l’issue de cette analyse, Paris La Défense, accompagné par Ingérop, peut désormais étudier les pistes à approfondir pour améliorer le projet en comparant les variantes (produits de construction, systèmes énergétiques, chantier, usage des sols,…) et les leviers d’actions mobilisés.
« Les Groues nous offrent l’opportunité d’expérimenter en conditions réelles la réalisation d’un écoquartier de grande dimension au cœur du Grand Paris. Cette opération de renouvellement urbain est conduite dans une logique de transition énergétique et d’économie circulaire, concourant ainsi à la préservation des ressources et au retour de la nature en ville. L’innovation se situe aussi dans les méthodes, grâce à des outils nous permettant de piloter et de mesurer en permanence l’impact de nos choix techniques », précise Pierre-Yves Guice, le directeur général de Paris La Défense.
Pour Paris La Défense, les Groues constituent « un tissu urbain hétéroclite qui ne facilite guère les études comparatives ». L’établissement indique avoir choisi d’analyser les émissions de gaz à effet de serre de deux pôles, actuellement en développement, du futur quartier : Césaire Jenny (entouré en bleu dans la carte ci-dessous) et Hanriot (entouré en rouge), dont les calendriers sont différents.
Trois initiatives aux résultats plus que probants
Trois démarches majeures expliquent les scores atteints : le recours au bois (et autres matériaux biosourcés), la nature du réseau d’apport de chaleur et la gestion des terres. Paris La Défense indique avoir adhéré au « Pacte Bois-Biosourcé », en niveau Bronze. Cette décision induit que 10 % de la surface de plancher des bâtiments construits sur le territoire entre 2023 et 2026 soient en bois et biosourcés. Dans le secteur Hanriot, ce ratio s’élève actuellement à 42 %.
Le réseau de chaleur Idex Paris La Défense, qui alimente aujourd’hui 20 000 habitants et 120 immeubles de bureaux, soutient aussi ces performances. En effet, alors qu’il était auparavant alimenté à hauteur de 20 % en énergies renouvelables, le recours aux agropellets (des granulés produits à partir de déchets agricoles) a porté à 63 % cette part dans l’approvisionnement en combustibles du réseau. Cet usage soutient la production locale, un circuit court et un mode de transport multimodal. Cette évolution a aussi fait chuter l’émission annuelle de CO2 de 50 000 tonnes à l’échelle de l’ensemble du territoire raccordé, y compris le quartier d’affaires. Une fois encore, le secteur Hanriot, très en avance par rapport à la réglementation, se distingue et dynamise en conséquence les performances de l’ensemble du quartier.
Un quartier connecté à de nouvelles lignes de métro et RER
Enfin, la création d’une plate-forme de gestion des terres mutualisée à l’échelle de toute l’opération des Groues, avec Eurovia–Remea Group, spécialiste de l’amélioration et de la préservation des sols, participe aux performances atteintes. Dans une logique de réduction du coût environnemental, pour limiter l’évacuation des terres (filière d’activité déjà très sollicitée en Île-de-France en raison du grand nombre de projets en cours), restreindre l’apport de matériaux extérieurs (grâce à une optimisation du réemploi de ceux déjà présents sur site) et réduire les déplacements de camions entre les chantiers et les centres d’évacuation/apport, Paris La Défense a mis en place cette plate-forme pour gérer une partie des terres qui seront excavées sur toute la durée de l’opération (estimées à 600 000 mètres cubes, tous espaces confondus). Une emprise d’environ 10 000 mètres carrés a ainsi été créée pour accueillir les terres excavées par les projets d’espaces publics et une partie des lots immobiliers afin qu’elles soient triées, stockées puis réemployées/revalorisées à la réalisation tant des espaces publics que des développements privés. Cette plate-forme sera fonctionnelle jusqu’en 2029, assure Paris La Défense.
L’aménageur assure renouveler cette méthodologie pour d’autres opérations. « Elle contribue en effet à accélérer la transition énergétique et climatique des villes ainsi qu’à accéder facilement à l’évaluation environnementale de tout un quartier. Cette démarche s’inscrit en pleine cohérence avec l’ambition de Paris La Défense de devenir le premier quartier d’affaires mondial post-carbone avec une réduction par deux, d’ici 2030, de ses émissions de gaz à effet de serre », indique Paris La Défense.
A l’horizon 2030, le quartier des Groues devrait accueillir près de 10 000 habitants (contre 300 actuellement), 12 000 salariés ainsi que 79 000 mètres carrés d’activités, de commerces et d’équipements publics et privés. Ce vaste quartier de 65 hectares se composera de 17 hectares d’espaces publics dont quatre hectares d’espaces verts avec notamment le Jardin des Rails. Au total l’aménageur promet de planter quelques 1 200 nouveaux arbres. Côté mobilités, le quartier sera doté d’environ cinq kilomètres de pistes cyclables et 580 places pour vélos mais aussi dès l’année prochaine de la future gare du RER E, puis vers 2031 de celle de la ligne 15 Ouest du Grand Paris Express. A plus long terme la ligne 18 doit venir se greffer à ce nouveau pôle multimodal et éventuellement une ligne 19.