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samedi 23 novembre 2024
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Le fantôme des tours Hermitage hante le quartier des Saisons

Officiellement annulé par Paris La Défense, le promoteur des tours Hermitage croit toujours en son mégaprojet. RATP Habitat, le propriétaire de l’ensemble des Damiers voué à être rasé ne semble, lui, plus y croire.

Voilà déjà plus de treize ans qu’Emin Iskenderov, l’emblématique patron d’Hermitage a dévoilé ses tours jumelles. Deux gratte-ciels de 320 mètres de haut, signés Norman Foster devant être érigés pour 2016 en bordure de Seine, du côté de Courbevoie. A l’intérieur l’homme d’affaire veut y installer des logements de luxe, un hôtel mais aussi des bureaux, le tout reposant sur un vaste socle où l’on retrouve un centre commercial. Le complexe immobilier doit venir remplacer un ensemble de trois immeubles, les Damiers Infra, Anjou et Bretagne, où vivent quelques 250 familles. Ces trois bâtiments datant des années 70 sont la propriété depuis 2001 du bailleur social Logis Transport, rebaptisé RATP Habitat.

Dans son calendrier initial Emin Iskenderov espérait que la libération des bâtiments se fasse rapidement, très rapidement. Le promoteur russe s’est finalement heurté aux difficultés qu’a eues RATP Habitat à reloger une partie des 250 familles. Si la majorité d’entre-elles a accepté les offres de relogement émanant du bailleur, une petite partie les a fermement rejetées. Les réfractaires se sont alors lancés dans un vaste combat judiciaire afin de contester par ailleurs la vente des Damiers en 2001 entre AXA et RATP Habitat, illégale selon eux. C’est ainsi que RATP Habitat a lancé ces dernières années plusieurs procédures d’expulsions. De quoi ralentir fortement le projet des tours jumelles à la française. Hermitage a également dû faire face à une pluie de recours attaquant l’ensemble de ses permis de construire, repoussant sans cesse le début des premiers coups de pioches. Mais ces soucis judiciaires sont un peu les tours qui cachent La Défense. Car l’homme d’affaires n’a jamais réussi à boucler le financement de son projet pharaonique chiffré à près de trois milliards d’euros.

De quoi susciter au fil des années de gros doutes chez l’aménageur, Paris La Défense. Après un clash entre Marie-Celie Guillaume, l’ancienne patronne de Paris La Défense et l’un des bras droits d’Emin Iskenderov, le conseil d’administration de l’établissement public avait finalement refusé de signer la promesse de vente du projet à l’issue d’une procédure de médiation menée sous l’égide du tribunal judiciaire de Nanterre.

RATP Habitat n’a finalement pas cédé ses trois immeubles au promoteur Hermitage – Defense-92.fr

Si le projet semble alors définitivement enterré, il n’en est rien pour Emin Iskenderov qui réclame à l’aménageur un milliard d’euros de dommages et intérêts. Et le promoteur y croit toujours. « On maintient le projet en l’état », nous écrit laconiquement Emin Iskenderov en dépit du contexte de guerre en Ukraine. Les discussions auraient-elles une nouvelle fois repris entre Hermitage et Paris La Défense ? Mystère. Emin Iskenderov ne s’étend pas sur le sujet. De son côté Paris La Défense ne veut pas faire de commentaire. Jacques Kossowski, le maire (LR) de Courbevoie veut pourtant encore y croire. « Je ne désespère pas qu’un jour ça sorte », lâche simplement l’édile.

Mais un autre gros caillou, et pas des moindres est venu une nouvelle fois gripper la machine Hermitage. Le promoteur devait avoir acquis auprès de RATP Habitat l’intégralité de l’ensemble des Damiers l’été dernier. Chose qui n’a pas été faite nous indique la régie des transports parisiens. « RATP Habitat considère que nous sommes arrivés au terme de l’obligation contractuelle de la promesse de vente qui la liait à la société Hermitage », indique la filiale immobilière sociale du groupe RATP.

Sauf qu’Emin Iskenderov réfute cette affirmation dénonçant de « fausses informations » du service presse de la RATP. « Les accords sont en cours », affirme-t-il indiquant avoir déjà versé à RATP Habitat 37 millions d’euros depuis le début du projet. « Il reste un solde », admet-il. Sur combien ? « C’est un secret. On ne communique pas les montants de transactions », rajoute l’homme d’affaires, refusant de confirmer le montant global de 50 millions toujours évoqué et jamais démenti. Quant au financement du projet des deux tours, Emin Iskenderov dit avoir trouvé les sous, sans une nouvelle fois donner aucun nom des supposés investisseurs.

Toute cette affaire laisse un goût amer aux habitants expulsés et à leur avocate. « Ce dossier a pour bilan un immense gâchis humain et un scandale politique. Il est loin d’être clos. Des comptes doivent être rendus à mes clients par les différents acteurs de ce fiasco institutionnalisé », martèle Maitre Armelle De Coulhac Mazerieux. Si tout le monde a été expulsé, les procédures ne sont pas tout à fait terminées. Les époux Dinulescu, les derniers à avoir été écartés de leur logement de l’Anjou à l’été 2021 sont récemment passés devant la cour d’appel de Versailles pour contester le procès-verbal d’expulsion. « Ils doivent par ailleurs prochainement décider s’ils forment ou non un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 2 juin 2022 qui les a déboutés de leur demande de nullité du commandement de quitter les lieux », confie Me Armelle De Coulhac Mazerieux. Pour six locataires du Damier Bretagne expulsés en 2018 et représentés également par Me Armelle De Coulhac Mazerieux, un recours est actuellement pendant devant la Cour de cassation, relatif à la nullité des actes d’expulsions.

Reste qu’avec toute cette histoire une partie du quartier des Saisons se meurt. Entièrement vidés de leurs habitants les Damiers Infra, Anjou et Bretagne, aujourd’hui laissés à l’abandon font tache aux portes du premier quartier d’affaires d’Europe. Une situation ubuesque qui perdure depuis une décennie et qui pourrait durer encore de nombreuses années. L’actuel propriétaire des lieux se veut cependant rassurant pour l’avenir : « RATP Habitat va étudier le devenir du site en lien avec Paris La Défense ».

Dans l’attente d’un projet qui n’est jamais venu, le quartier des Saisons est tombé en déshérence – Defense-92.fr
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