Pour lui c’est devenu une routine. « Une échelle » comme il aime l’appeler. Pourtant son ascension de la tour TotalEnergies Coupole reste toujours un exploit, d’autant plus qu’à soixante ans Alain Robert garde toute sa dextérité.
Pour fêter son entrée dans sa sixième décennie et dénoncer le réchauffement climatique, le Spiderman français a grimpé ce samedi 17 septembre au matin, pour la douzième fois, les 187 mètres de ce gratte-ciel, longtemps classé plus haut de France. Une ascension vertigineuse réalisée sans aucune protection en tout juste une heure. Pour l’aider dans son escalade Alain Robert n’a pu compter que sur son mental, ses muscles, ses doigts recouverts de sparadraps pour limiter l’effet tranchant des cadres de fenêtres métalliques et d’un peu de tacle pour atténuer la transpiration. « J’avais dit qu’à soixante ans je me referais la tour TotalEnergies », sourit-il. Un clin d’œil à l’âge de la retraite surtout pour Alain Robert. Mais pas question pour lui de raccrocher. « Je vais encore continuer tant que je suis en bonne santé », assure Alain Robert tout vêtu de rouge.
Et comme le veut la tradition c’est un comité d’accueil de policiers qui l’a réceptionné au sommet du bâtiment avant de le conduire au commissariat de La Défense. Car oui, s’il existe bien un vide juridique n’interdisant pas réellement l’ascension de gratte-ciel, la pratique n’est que peu tolérée. Certaines municipalités, et plus particulièrement celle de Courbevoie ont pris des arrêtés pour interdire ces grimpes. Mais les peines encourues se résument à quelques dizaines d’euros d’amende… Pas de quoi décourager Alain Robert.
TotalEnergies, un exploit parmi tant d’autres. C’est dans les années 80 que ce jeune natif du Sud de la France se passionne pour l’escalade après avoir découvert à l’âge de huit ans le film « La Neige en deuil » d’Henri Troyat. Très vite il se lance en solo dans l’ascension des falaises les plus raides de France dans le Verdon notamment. Le tout à mains nues et sans aucune protection. Du jamais vu pour l’époque. « 8a/b », « 7c », « 8a », aucune des cotations ne lui résiste. Ses prouesses ne sont connues que des férus de l’escalade. Il devient rapidement le maitre en la matière admiré de tous et particulièrement d’Alex Honnold, un autre génie de la grimpe. Avec ces lettres de noblesse Alain Robert réussit à nouer des partenariats pour financer sa passion. « Mon réel héritage ce sont les rochers. J’ai poussé le niveau en falaise à un niveau jamais vu à l’époque », dit-il.
Touché mais jamais coulé
1982 aurait pu marquer la fin de sa carrière mais aussi et surtout de sa vie. Alain Robert va subir coup sur coup deux violentes chutes dont une d’une vingtaine de mètres. Ses poignets sont brisés. Mais pas ses rêves. « On m’a dit l’escalade c’est terminé. C’est déjà bien que vous soyez encore en vie », se souvient Alain Robert. Les médecins qui le diagnostiquent « invalide à 66 % » lui conseillent d’arrêter ce métier à haut risque ; lui refuse et repart de plus belle. Au point de recevoir moultes récompenses dont le prix de la Performance Sportive en 1991.
Il faut attendre 1994 pour que l’homme araignée se révèle au monde et devienne une star mondiale, un champion hors pair de sa catégorie. Cette année-là, une marque de montres au courant de ses exploits, le contacte pour lui proposer un partenariat en échange de l’escalade d’une tour. Ce sera le Citigroup Center à Chicago. Suivront des dizaines de tours sur les cinq continents. La Défense deviendra très vite son terrain de jeu avec de nombreux buildings grimpés comme Ariane, Engie, Franklin, First et CB21. Sa plus belle réalisation et sa plus compliquée dans le quartier d’affaires sera les 180 mètres de la tour CB1 (l’ex Areva).
Toujours en forme, pour ses 60 ans le french #SpiderMan Alain Robert se lance dans l’escalade de la tour #total haute de 179 mètres à mains nues et sans protection pour sensibiliser sur le réchauffement climatique #ClimateEmergency #Climat #Reuters pic.twitter.com/punSGApXWD
— Antony Paone (@PaoneAntony) September 17, 2022
Le palmarès de sa carrière de grimpe urbaine est aussi élevé que les murs de roche qu’il a gravis. Lors des trente dernières années, le sportif de l’extrême va enchaîner ses prouesses sur les plus hauts buildings du monde. Parfois autorisé comme pour la Burj Khalifa de Dubaï (828 mètres), ses grimpes sont bien souvent sauvages et il est réceptionné au sommet par la police. Là encore ça ne l’arrête pas.
Aujourd’hui et après avoir grimpé à mains nues et sans aide, des dizaines de kilomètres de roches et de façades de verre, Alain Robert reste indétrônable. Même si depuis quelques années déjà, des petits nouveaux tentent de reproduire ses performances, aucun n’a encore réussi à gravir autant de falaises et de buildings (dont les tours CB1 et CB21), toujours sans aucune protection, ni aide matérielle. Et pour Alain Robert, grimper des tours « faciles » en se filmant avec une GoPro et un drone ne fait pas tout. Mais le Spiderman français n’en demeure pas moins fairplay, il sait partager le succès. Il y a tout juste un an, avec trois autres grimpeurs, Alain Robert avait escaladé cette fameuse tour TotalEnergies.