Il est le tout dernier, l’ultime résistant. Alors que le tribunal de Courbevoie a récemment prononcé l’expulsion de Tatiana Dinulescu et sa famille de son cinq pièces situé au Damier Anjou, une audience s’est tenue le 22 janvier dernier, dans cette même juridiction cette fois-ci pour statuer sur le cas de Wolfgang Kirchhof. Son bailleur, la RATP Habitat qui prévoit de vendre l’ensemble des Damiers Infra, Anjou et Bretagne, soit 250 logements au promoteur russe Hermitage pour qu’il y érige ses deux tours géantes ne pourra finaliser la cession qu’une fois les bâtiments entièrement vides.
Mais problème pour cette filiale de la RATP. Une poignée de familles a toujours refusé les offres de relogements faisant trainer le projet. La petite dizaine de locataires récalcitrants a depuis été expulsée, mise à part Tatiana Dinulescu dont la procédure pourrait aboutir cet été à l’issue de la trêve hivernale repoussée au 1er juin.
Ne restait donc plus que Wolfgang Kirchhof -absent lors de l’audience-, 85 ans occupant de son logement depuis une cinquantaine d’années à devoir faire face à la justice, après qu’il ait refusé les trois offres « légales » formulées par bailleur. « Mr Kirchhof n’a aucunement l’intention d’être relogé. Il dispose d’un autre logement en Allemagne à Baden-Baden où il va très régulièrement. », a affirmé Laure-Anne Fournier, l’avocate de RATP Habitat lors de l’audience tout en rappelant qu’à un moment de la présentation de la troisième offre formulée par RATP Habitat, il aurait tenté de négocier le financement de son déménagement. Négociation n’ayant alors jamais abouti.
Un verdict attendu en mars prochain
« Mr Kirchhof n’a aucune solution pour se reloger en France et s’il doit quitter le territoire national il va retourner auprès de sa famille en Allemagne », a déclaré son avocate, Aurélia Dumez qui a pointé du doigt la non notification de la durée de validité de la dernière offre du 17 juillet 2019 ainsi que plusieurs « irrégularités » selon elle de la procédure du bailleur social.
« Mr Kirchhof n’a jamais eu l’intention d’être relogé, il n’a jamais visité le moindre logement depuis 2012, depuis que RATP Habitat a reçu l’autorisation préfectorale de détruire les logements », a assuré Me Laure-Anne Fournier rappelant les multiples propositions, toutes refusées.
Présentant une éventuelle décision défavorable à la faveur de son client, Me Aurélia Dumez a demandé à la juge de lui « accorder les plus larges délais » s’il devait partir. « Mr Kirchhof occupe cet appartement depuis cinquante ans, il a toujours réglé ses loyers. Il n’a aucune possibilité de se reloger en France. Il trouve la difficulté à ses yeux insurmontable d’organiser la logistique de son déménagement. Difficulté accrue par la crise sanitaire et les restrictions de déplacement », a-t-elle plaidé demandant un report de l’éventuelle exécution « à la fin de la crise sanitaire » pour organiser dans « de bonnes conditions le déménagement ».
« RATP Habitat ne peut pas vendre ou démolir (les trois immeubles des Damiers, ndlr) en présence d’occupants dans les lieux. Ça a suffisamment duré. Il y a un préjudice pour RATP Habitat. Mr Kirchhof a eu largement le temps de prendre ses dispositions », a martelé Me Laure-Anne Fournier avant d’ajouter à la juge « Je vous demande de maintenir l’exécution provisoire et les délais de quitter les lieux. Il est très âgé certes mais il n’y a pas lieu de donner des délais pour se maintenir ».
Verdict attendu le 19 mars prochain.