C’est un passage du discours de Manuel Valls sur le Grand Paris qui est passé totalement inaperçu et pourtant son annonce est de grande importance. Et pour cause le premier ministre a annoncé le jeudi 15 octobre dernier qu’il souhaite que l’Epadesa (l’établissement d’aménagement de La Défense Seine-Arche) et Defacto (l’établissement de gestion et d’animation de La Défense) fusionnent pour le 1er janvier 2017. Pour le chef du gouvernement le modèle du quartier d’affaires est « aujourd’hui confronté à une crise profonde » faisant suite au rapport de la Cour des Comptes datant du mois de février 2015 qui demandait de clarifier « rapidement » « l’incertitude » qui règne sur « l’ampleur et la répartition du coût de la remise en état » du quartier.
Car depuis la loi du 27 janvier 2014 (loi Maptam), l’Epadesa, qui est géré par l’État, est reconnu propriétaire unique de l’ensemble des infrastructures et équipements publics et se finance (comme depuis toujours) uniquement avec des « droits à construire » vendus aux développeurs de projets immobiliers. Pour perdurer et continuer à pouvoir financer de gros aménagements l’Epadesa doit ainsi vendre sans cesse des droits aux promoteurs et investisseurs. Une méthode souvent décriée par son actuel président Patrick Jarry, également maire (Gauche Citoyenne) de Nanterre qui parle « d’ajouter des tours aux tours » et « d’une fuite en avant ». L’entretien des espaces publics revient quant à lui à Defacto, qui est lui financé d’une part par les collectivités locales et d’autre part par des recettes comme les concessions des parkings ou encore publicitaires. Jusqu’alors l’Epadesa supportait initialement tous les coûts de rénovation, mais cette loi n’a pas vraiment eu l’effet espéré et a apporté encore plus de confusion entre les deux établissements.
C’est donc un véritable retour en arrière que souhaite le chef du gouvernement puisque l’Epadesa (alors Epad avant sa fusion avec l’Epasa à l’été 2010) avait été scindé en deux suite à la loi du 27 février 2007. L’Etat (alors à droite) considérait qu’il fallait dissocier les missions d’aménagement et de gestion, en les confiant à deux structures différentes. Depuis le 1er janvier 2009 Defacto est donc entrée en fonction et l’Epadesa s’est recentré sur sa fonction initiale d’aménageur.
Le premier ministre avait demandé un schéma directeur à l’Epadesa qui lui avait été présenté en juin 2015. Schéma qui prévoit notamment la construction de 4 500 logements d’ici 2025 sur le secteur des Groues à Nanterre.
Pour le chef du gouvernement afin de « préserver » la place de La Défense dans « la compétition internationale » il faut « la réinventer ». Manuel Valls a indiqué qu’une mission de préfiguration associant acteurs privés et publics sera mise en place pour organiser la fusion début 2017. « Je veux le dire clairement : l’Etat ne se désengagera pas de la Défense, il veillera à une meilleure insertion de ce quartier d’exception dans l’ensemble du Grand Paris » a-t-il martelé dans son discours.
Si l’annonce de cette fusion ne surprend pas les différents élus elle suscite en revanche plusieurs interrogations notamment sur le modèle du futur établissement et son financement. Le département des Hauts-de-Seine et les communes (dont Puteaux et Courbevoie) risqueraient de devoir mettre plus la main à la poche pour financer la nouvelle structure. « Hors de question » pour Patrick Devedjian, le président de Defacto « Qui paie commande. L’Etat ne veut rien payer et tout commander » s’est-il insurgé chez notre confrère du Parisien. La directrice de Defacto est elle aussi remontée contre cette annonce dont elle juge la méthode « lamentable ». Marie-Célie Guillaume qui explique ne pas être contre une fusion des deux établissements estime que Defacto a plus d’avenir que l’Epadesa pour le quartier de La Défense. La DG explique par ailleurs n’avoir pour l’heure aucune information sur les modalités de cette fusion à quatorze mois de la dite réunification et dit percevoir l’inquiétude de ses équipes. « L’Etat n’a aucune idée de là où il va. Une mission doit être crée on ne sait même pas quand ». A l’Epadesa aussi les salariés de l’aménageur s’inquiètent et ne savent pas vraiment à quelle sauce ils vont être mangés. Car une chose est sure, si fusion il y a de nombreux postes en doublon pourraient être supprimés.
Du côté des élus municipaux les avis sont partagés, mais là aussi gauche comme droite l’idée d’une fusion est bien perçue. Jean-André Lasserre, l’élu d’opposition (PS) à Courbevoie s’est réjoui dans un communiqué de cette annonce gouvernementale parlant d’une « excellente nouvelle pour les résidents et usagers » de La Défense. Eric Cesari, l’adjoint (Les Républicains) à la mairie de Courbevoie et président de la communauté d’agglomération Seine-Arche mais aussi vice-président des deux établissements est pour sa part plutôt pour. « L’Etat doit être présent, c’est le moteur économique de la France, confie l’édile. Mais c’est aux élus de prendre les responsabilités » poursuit Eric Cesari en ne souhaitant pas voir naitre « un monstre administratif dans les mains de l’Etat ». Pour Christophe Grebert l’élu (MoDem) de Puteaux c’est un retour en arrière « peu compréhensible ». Pour l’élu d’opposition « L’Etat demande aux collectivités de participer au financement de La Défense pourtant sous statut de l’OIN (Opération d’Intérêt National). Si les collectivités payent, il faut aussi qu’elles puissent être décisionnaires de l’avenir du quartier » déclare l’élu. Enfin pour Patrick Jarry « Il faut que les collectivités territoriales des Hauts-de-Seine fassent l’effort de jouer ensemble et définissent un projet pour ce grand territoire ».
Tandis que Defacto s’occupe de la gestion et l’animation, uniquement sur le secteur historique de La Défense (à l’intérieur du circulaire ainsi que dans certains quartiers annexe) sur les villes de Puteaux et Courbevoie, l’Epadesa a lui un périmètre d’action bien plus large de 564 hectares répartis sur Puteaux, Courbevoie, Nanterre ainsi que d’une partie de La Garenne Colombes. Avec cette fusion il faudra alors définir le terrain d’action de la nouvelle structure pour la gestion ainsi que pour l’aménagement. A ce jour les effectifs de Defacto sont autour de 130 employés et de 110 pour l’Epadesa.
Mais la véritable interrogation pour les différents élus, outre les modalités de fonctionnement du futur nouvel ensemble, reste relatif à son financement.